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Quand la colère des activistes rencontre la compassion

Dernière mise à jour : 10 juin 2020

Les organisations citoyennes sont actuellement en plein débat sur la portée réelle de leurs actions non-violentes. Justement, du 1er au 8 novembre avait lieu au village des Pruniers (centre de pleine conscience en Dordogne) une initiative qui fera date pour nous : une retraite exceptionnelle Comment prendre soin de la Terre-Mère ? S'y sont retrouvés une partie des activistes les plus remuants du moment : membres d'Extinction Rebellion (UK/France), de Youth for Climate (initié par Greta Thunberg), du mouvement pour les réfugiés, et des Gilets Jaunes ; des intervenants comme Satish Kumar (activiste de la Deep Ecology), Ejna Fleury (amérindienne du Sud Dakota créant un comité pour la paix dans le monde) ou Peter Lipman le co-fondateur du mouvement Transition avec Rob Hopkins à Totnes. Nous y étions tous les deux, Damien et moi, et toutes ces rencontres nourries par l'intensité de la pleine conscience c'était… divin !


La colère, l'impatience et la soif de radicalité des plus jeunes ont rencontré le temps long et l'approche compassionnelle des pratiquants de la pleine conscience et de l'écologie profonde. Ça fait des étincelles je vous assure (même dans un monastère bouddhiste) ! Certains activistes ont quitté la retraite prématurément, d'autres ont choisi de prolonger leur séjour cet hiver pour se refaire une santé...


Deux points de vue a priori antagoniques ont donc tenté un rapprochement d'équilibriste


D'un côté on nous martèle à coups de rapports scientifiques qu'il nous reste deux ou dix ans tout au plus pour transformer de fond en comble nos modèles de production et de consommation. Tic tac tic tac le temps joue contre nous, la survie de l'espèce est en danger et les promesses de la COP21 n'ont pas été tenues. On peut comprendre la frustration énorme que crée l'inertie de nos dirigeants : notre jeunesse hérite d'un avenir sombre là où ses aînés croyaient à la linéarité du progrès et à la croissance comme solution à tout. Ce qui est d'autant plus frustrant qu'ils se sentent avant l'âge responsables pour l'humanité entière, celle-là même qui les méprise. #OKBoomer ! Or ce cocktail détonnant commence à être connu : colère +  impuissance = rage !


D'un autre côté les révolutions culturelles ne se font pas en un an, ni même en dix. Gandhi ou Mandela ont lutté des décennies avant que leur vision triomphe. Le temps long comme réponse, donc, si cher à notre association ? Il semble que le sujet soit bien plus vaste. Car que cherche-t-on à changer exactement ? Des politiques, des lois, des budgets, des procédés de fabrication ? Peut-on souhaiter une réforme plus profonde quand on sait qu'un système ne se transforme qu'en disparaissant ou en créant un méta-système (merci Edgar).


Le maître zen Thich Nhat Hanh, invité il y a quelques années devant un parterre d'entrepreneurs de la Silicon Valley, leur a demandé : « Préférez-vous être numéro 1 ou être heureux ? » Car si vous voulez avant tout triompher ou avoir raison alors vous vous rendez dépendants, victimes de votre poursuite du résultat. Possiblement et volontairement insatisfaits donc. J'ose le parallèle avec le mouvement climat, bien que les fins soient différentes. Comment défendre une société pacifique alors que nous sommes animés par la colère, la violence, l'insatisfaction ? Pour changer de système, ne doit-on pas le démoder en commençant par incarner de nouvelles valeurs ?


There is no way home. Home is the way. Il n'y a pas de chemin vers notre maison, notre maison est le chemin / Il n'y a pas de chemin pour se sentir chez soi, se sentir chez soi est le chemin.
There is no way home. Home is the way. Il n'y a pas de chemin vers notre maison, notre maison est le chemin / Il n'y a pas de chemin pour se sentir chez soi, se sentir chez soi est le chemin.

Il est vital pour chacun.e et salutaire pour l'humanité d'exprimer à haute voix nos émotions pour ne plus bouillir de l'intérieur. En le faisant nous apprenons au moins trois choses :

  1. Nous ne sommes pas nos émotions ! Ces messagers pointent vers notre paix intérieure, il est possible de les décrypter, les apprivoiser, les transformer. Au boulot.

  2. Nous ne sommes pas seuls ! Que d'échos, de résonances dans les ateliers et cercles de paroles… cette sensation d'une humanité retrouvée, partagée, hummm que c'est bon !

  3. L'effondrement se révèle être un renouveau ! Il nous pousse en tant qu'espèce à élever nos niveaux de conscience. À chercher la paix, la joie, l'amour. Changer de regard. Pas moins !


PS : J'ai eu l'honneur d'animer lors de cette retraite une mini-spirale du Travail qui Relie (gros cadeau, déroulé sur demande). Efficacement préparée avec Damien (une fine équipe que nous formons) et assistée de Rozan de l'association belge Terr'Eveille (et d'un bouddha doré), ce fut la 1ère fois en dix ans de fréquentation que j'étais invité à sonner la cloche au village des Pruniers, devant 30 personnes pour offrir un tel temps de guérison. Je mesure ma chance de mêler le Travail Qui Relie de Joanna Macy avec la pratique des Pruniers de notre très cher Thay. Près de 50 ans que ces aînés travaillent pour révéler le meilleur de l'humanité et nous y voilà, leur héritage œcuménique est en bonne voie j'espère. Cet espace est déjà fécond, les liens se créent dans la région Sud-Ouest et ailleurs pour de nouveaux ateliers à destination des particuliers et des organisations. Oui on en redemande : vive l'abondance maintenant !

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