J'ai comme l'impression d'avoir fait un 360° sur moi-même pendant ce confinement, pas vous ? Comme un passage en revue de mes essentiels. Comme si cette expérience inédite, bien qu'inconfortable parfois, était pile ce dont j'avais besoin au fond. Ces deux mois furent riches pour deux raisons et je ne sais pas si ce seront les mêmes pour vous. D'abord pour toute cette place soudain laissée à la palette de mes émotions. Et puis pour ces envies d'action qui timidement refaisaient surface, venant d'un nouvel endroit peut-être. Ce double mouvement subtil, qui réconcilie intérieur et extérieur, est justement celui de l'écologie profonde.
Émotionnellement tout d'abord, alors que la routine des jours s'installait, je notais combien pourtant ils se ressemblaient peu. Immobile physiquement, j'ai goûté à l'étymologie du mot émotions. E-movere en latin signifie mettre en mouvement. Mon humeur du matin variait, mes rêves du soir me surprenaient, ma disponibilité pour ma petite famille recomposée fluctuait, mon énergie ou mon envie de paresse… l'impermanence était vraiment toute à son aise. Les rituels égrenés tout au long de la journée agissaient comme des marqueurs à partir desquels voir monter ces émotions et parfois reconnaître leur source. La gratitude pour cette éclosion de printemps, la frustration et l'anxiété après avoir regardé BFM TV, le désarroi de ne pas connaître la suite, le soulagement de voir cette machine de fous être en pause forcée. Ce mental aussi qui prenait peur et cherchait à combler le vide en se raccrochant à des addictions, à des consommations. Cette sensation de perte enfin, comme si nous étions collectivement en train de faire le deuil de quelque chose. De notre invincibilité peut-être ? Je vois une grande force dans la vulnérabilité.
Voilà pour le voyage intérieur. Avant de passer à l'action, un mot quand même sur cette trait d'union entre les deux. Comment opérer cette subtile bascule entre l'être et le faire ? Quand on dit que la Nature est bien faite, je crois qu'on peut le prendre au mot !
J'ai vite dépassé la culpabilité d'être auto-centré. Et privilégié. J'ai laissé glisser cette explosion de zooms et autres appels de groupe, moi qui d'habitude aime donner mon avis sur le monde pour le sauver (en bon français quoi). Je suis resté coi. Je suis resté quoi ? Eh bien un être sensible émerveillé par une si belle région bretonne. J'en étais pourtant familier mais en temps que simple vacancier. Y être en résidence pendant de longues semaines a aiguisé mes sens. Porter un nouveau regard sur ces fleurs de toutes les couleurs, ces sentiers cachés, ces murs de pierre et ces cyprès, ces vieux menhirs et ces volets bleus qui répondent à la mer. Entendre ces chants d'oiseaux, admirer la curiosité d'un coquillage. J'y ai vu la possibilité que l'Homme et la Nature vivent en harmonie. Je trouve que l'Homme est plus proche de sa place légitime quand il fait preuve de lenteur et d'humilité. C'est alors qu'il peut discerner ce qui jusqu'alors lui était invisible. Ressentir un appel. S'abandonner à plus grand que soi.
Et maintenant ? Comment aller de l'avant tout en retrouvant mes vieilles habitudes ? Que vais-je retirer de cette plongée dans mon puits sacré ? Une des grandes leçons est celle de la fragilité, de la nervosité, de la démesure de nos villes. En tant qu'urbaniste et entrepreneur social je m'y suis déjà cassé les dents. Les temps changent bien sûr, qui sait si une vague verte ne ressortira pas des prochaines élections ? Je vois aussi les inscriptions abonder vers les groupes de discussion sur les écolieux et autres habitats participatifs. Les hameaux à vendre et les yourtes à installer. Celleux qui foncent renouer avec la plage ou la forêt qui leur a tant manqué, à eux et à leurs enfants. Les projets de vacances locales et même de déménagements se multiplier. Ces petites soirées improvisées sur les balcons où l'on chérit l'amitié en ces temps particuliers. C'est fou comme manquer de tissus carrés et d'élastiques peut nous faire basculer ! Et si tout ceci n'était pas réservé aux week-ends ou aux vacances ? Et si tout ceci n'était pas une parenthèse mais bien la fondation d'un renouveau ?
Rêver sa vie ou vivre son rêve ? J'ai bien ma petite idée…
JLM
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